François Fillon, notre dernière chance

28/11/2016

Patrick AULNAS

La victoire de François Fillon aux primaires de droite repose sur la découverte de l’homme. Certes, il fut Premier Ministre de Nicolas Sarkozy pendant cinq ans. Mais par le fait même, sa parole n’était pas libre. Lorsqu’il osa, à la surprise générale, dire une vérité – « Je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite » – il s’attira les critiques acerbes de toute la droite et bien évidemment de la gauche.

 

Jouer un rôle ou y croire ?

C’est un Fillon libéré des convenances et des mensonges technocratiques qui s’est présenté aux électeurs de droite. Les débats télévisés l’ont révélé. Parfaite maîtrise de son programme, langage clair qui va à l’essentiel, absence de circonlocutions politiciennes. Fillon, sûr de lui, croyait en ce qu’il disait et cela se voyait. Certains jouaient le rôle du candidat, Fillon était candidat pour mettre en œuvre un programme de redressement pensé depuis des années. Son assurance sereine a séduit beaucoup de téléspectateurs.

 

Assez des énarques !

Les programmes des candidats de droite étaient globalement assez proches. Fillon Président ne mènera pas une politique très différente de celles de Juppé ou Sarkozy. Ce n’est pas tant sur les détails du programme, certainement mal connus des électeurs, que tout s’est joué, que sur la personnalité et la stature. Les français sont visiblement saturés des énarques, tous coulés dans le même moule. Ils expliquent, compliquent, se perdent dans les arcanes de leurs puissants raisonnements et découragent les mieux intentionnés à leur égard. Juppé lui-même s’est un peu fourvoyé dans des explications trop techniques, et donc mal perçues, au cours du dernier débat télévisé. Sarkozy était un pédagogue de la politique absolument remarquable. Tout le monde comprenait immédiatement son message. Hollande est le plus confus, le plus incompréhensible des Présidents depuis fort longtemps. Il s’est fait une spécialité des phrases alambiquées et mal construites, des phrases de la synthèse sans doute, comportant propositions et restrictions. Personne n’y comprend rien, probablement parce qu’il n’y a pas grand-chose à comprendre.

 

Le parler vrai de Fillon

François Fillon parle net parce qu’il sait ce qu’il veut et ne cherche pas à ménager la chèvre et le choux. Il ne sort pas de l’ENA et cela se voit. La logomachie convenue de la haute fonction publique française ne l’a pas contaminé. Il y a un air de liberté chez Fillon, qui transparaît nettement lorsqu’il relève les lieux communs des journalistes. Ainsi, au cours du débat télévisé du second tour de la primaire, une question portait sur la remise en cause du « modèle social français ». Qu’auraient répondu beaucoup de politiciens ? Qu’ils voulaient réformer, certes, mais pas remettre en cause la protection sociale des français. Surtout pas. Que répond François Fillon ? « Quel modèle social français ?  Il prend l’eau de partout […] Vous parlez d'un modèle social qui génère six millions de chômeurs, deux millions de jeunes sans formation, un modèle qui se traduit par le déclassement des classes moyennes, qui n'arrive pas endiguer l'explosion de la pauvreté... » Pas de langue de bois, du parler vrai. Voilà ce qui séduit chez Fillon.

 

La stratégie hégémonique de Fillon

Le positionnement politique de François Fillon a joué un rôle fondamental dans sa victoire. La stratégie de clivage de Sarkozy a été rejetée par les électeurs, y compris beaucoup d’électeurs de gauche venus voter au premier tour. L’antisarkozysme de la gauche et du centre a joué à plein. La stratégie de rassemblement de Juppé a échoué parce qu’elle ne correspond plus à l’époque. L’abjecte campagne de certaines officines sur « Ali Juppé » permet de comprendre a posteriori que le thème de « l’identité heureuse » constituait une erreur majeure. Pourquoi un homme aussi intelligent et expérimenté que Juppé a-t-il accepté de ses conseillers en communication ce slogan ridicule ? Sans doute parce qu’il perçoit mal la réalité française actuelle face à l’Islam. Autant le livre de Finkielkraut sur l’identité malheureuse analyse brillamment une réalité palpable en Occident, autant inverser la proposition pour donner de l’espoir est-il absurde.

Sur ce sujet, François Fillon a adopté le positionnement attendu des électeurs de droite. En publiant en septembre 2016 un ouvrage intitulé Vaincre le totalitarisme islamique, il ringardise totalement l’identité heureuse de Juppé et prend la mesure de la dimension réelle du problème de l’Islam. Beaucoup de français, de gauche comme de droite, regardent désormais cette religion comme conquérante et agressive. Ceux de gauche n’ont pas vraiment le droit à la parole car celle-ci est monopolisée par les militants des partis qui répercutent la bien-pensance officielle. Mais ceux de droite s’expriment de plus en plus ouvertement, y compris beaucoup de catholiques. Ce que Fillon développe dans son livre est en phase avec la France profonde. On pourrait ainsi qualifier la stratégie de Fillon d’hégémonique. Il s’adresse à toutes les sensibilités de droite : libéralisme économique modéré, traditionalisme culturel et sociétal, fermeté face à l’Islam, réalisme en politique étrangère. La droite, on le sait, se méfie de l’idéalisme, elle est naturellement pragmatique. Fillon aussi.

 

Un conservateur modéré, pas un réactionnaire

François Fillon n’a rien d’un réactionnaire comme certains gourous de la bien-pensance officielle l’ont affirmé. Pierre Bergé, par exemple sur Twitter : « Voter Fillon c'est voter pour la France réac, la Manif pour Tous, qui m'a menacé de mort. La France pétainiste. Quand va-t-on à Vichy? ». A quoi Fillon répond sur RTL : « Des gens comme Pierre Bergé, ils sont les meilleurs agents électoraux des extrémismes et Madame Le Pen ». C’est évidemment Fillon qui est le plus proche de la vérité. L’envolée du Front National vient de la surdité des gouvernants. Ils ne connaissent leur peuple que par les sondages, c’est-à-dire une modélisation schématique du réel. Mais ce que ressentent vraiment les gens ordinaires et ce qu’ils disent dans les bars, en famille, entre amis, bref lorsqu’ils se sentent en confiance et que la parole est libérée, ils l’ignorent. Mieux, ils veulent l’ignorer. Dans le microcosme qu’évoque Fillon, en reprenant un mot cher à Raymond Barre, il faut penser comme Pierre Bergé ou se taire. Mais Pierre Bergé, brillant esthète, collectionneur, mécène, ne connaît strictement rien au peuple de la province française et encore moins à la petite et moyenne bourgeoisie qui a soutenu Fillon. Par ignorance, il la sous-estime. Il fait intégralement partie de cette intelligentsia parisienne et de l’élite culturelle mondiale qui se complaît à donner des leçons à des gens dont ils ignorent tout.

Si François Fillon est élu Président il aura la tâche écrasante de relever le pays, de l’orienter vers l’avenir tout en respectant ses traditions. Voilà un beau programme. Notre dernière chance.

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