Les dépenses de santé au 21e siècle

01/07/2014

Patrick AULNAS

Le Ministère de la santé, dans une étude de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), a fourni les chiffres suivants concernant l’évolution des dépenses de santé  en France depuis 1950 :

- en 60 ans, sur la période 1950-2010, elles sont passées de 2,6% à 9,1% du PIB ;

- sur cette période, elles ont cru à un rythme moyen annuel supérieur de 2,4 points à celui du PIB.

 Il est donc assez banal de se poser la question suivante. Si le phénomène se poursuit, quand les dépenses de santé représenteront-elles 50% puis 100% du PIB (produit intérieur brut) ? Évidemment, il est impossible que le PIB ne soit constitué que de la production de type santé. Mais il s’agit simplement de confirmer une intuition : une rupture de la tendance aura nécessairement lieu dans un avenir à déterminer. Ce n’est pas un choix mais une réalité économique soumise à contrainte mathématique. Cet avenir est-il proche ou lointain ?

 Les chiffres de base sont les suivants :

- PIB de la France en 2012 : 2 032 milliards d’€, selon l’INSEE ;

- Total des dépenses de santé en 2012 : 240 milliards d’€ environ selon l’IRDES (1) ;

- Croissance annuelle moyenne du PIB : 1,5%

- Différentiel de croissance entre PIB et dépenses de santé : 2,4 points ;

- Soit croissance annuelle moyenne des dépenses de santé : 1,5 + 2,4 = 3,9%

 Résultats

  Evolution prévisonnelle des dépenses de santé

 

Avec un écart de 2,4 points de croissance entre PIB et dépenses de santé, il faut 62 ans pour que les dépenses de santé représentent 50% du PIB et 92 ans pour qu’elles représentent 100% du PIB. Les dépenses de santé représenteraient donc 50% du PIB en 2074 et 100% du PIB en 2104. On peut penser, assez raisonnablement (2), que les dépenses de santé ne pourront jamais atteindre 50% du PIB. Elles ne pourront donc plus croître à un rythme très supérieur au taux de croissance du PIB comme elles l’ont fait par le passé.

Tout dépend donc du taux de croissance économique. Beaucoup d’économistes pensent que nous sommes entrés dans une phase durable de croissance lente. Si cela se vérifie, les dépenses de santé ne pourront croître que modestement, à un rythme égal ou très légèrement supérieur au taux de croissance économique. Si elles ne sont pas maîtrisées par des décisions publiques, le système actuel de financement collectif explosera tôt ou tard. C’est une certitude économique basée sur un raisonnement mathématique simple.

En faisant l’hypothèse d’une croissance forte de 4% par an sur longue durée, donc presque inenvisageable, les résultats sont à peine modifiés. Les dépenses de santé représentent alors 50% du PIB en 2077 et 100% en 2106. Mais dans un tel cas, évidemment, les dépenses de santé peuvent croître généreusement en valeur absolue sans pour autant dépasser un rythme annuel moyen de 4%. Et cela change tout.

Comme on pouvait en avoir l’intuition, tout est donc fonction du dynamisme économique général. Mais les certitudes mathématiques ne sont pas inutiles. Elles conduisent à penser, sans presque aucun risque d’erreur, que des modifications profondes auront lieu dans les décennies futures. Il ne s‘agira pas d’un rationnement des prestations de santé mais d’un retour à la raison après 60 années de dépenses très élevées.

Comme dans le domaine des retraites, la population n’a aucune conscience de la situation gravissime des systèmes collectifs de financement de la santé. Des ajustements, encore insuffisants, ont eu lieu pour les retraites mais rien n’a été entrepris pour mieux maîtriser les dépenses de santé car il s’agit d’un sujet politiquement sensible. Le réveil risque d’être douloureux.

 

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(1) http://www.irdes.fr/EspaceEnseignement/ChiffresGraphiques/Cadrage/DepensesSante/DepCouranteSante.htm

(2) Mais la prudence s’impose. Qui aurait pu penser au début du 20e siècle que le secteur tertiaire représenterait un siècle plus tard les trois-quarts du PIB ?

 

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PRINCIPE DES CALCULS

Pour plus de détails sur les calculs et la construction du graphique, voir le fichier Excel téléchargeable ICI

Quand les dépenses de santé absorbent-elles un certain % du PIB ?

 

1. Principe

Le calcul est simple. Il suffit d’utiliser la méthode des intérêts composés : Cn = C0 (1+t)n

- Cn = valeur acquise à l’issue de n périodes

- C0 = valeur initiale à l’époque 0

- t = taux d’intérêt (ou taux de croissance)

- n = nombre de périodes de placement

 

 2. Taux de croissance moyen annuel du PIB = 1,5%

Évolution du PIB : Pn = 2032 × 1,015n

Évolution des dépenses de santé : Dn = 240 × 1,039n

Quand les dépenses de santé absorbent-elles 100% du PIB ?

Pn = Dn

Soit 2032 × 1,015n = 240 × 1,039n

240/2032 = 1,015n / 1,039n

Logarithmes népériens (ln) :

ln (240/2032) = n × ln 1,015 – n × ln 1,039

n = ln (240/2032) / ln 1,015 – ln 1,039

n = 91,4 années

Quand les dépenses de santé absorbent-elles 50% du PIB ?

0,5 Pn = Dn

Soit 1016 × 1,015n = 240 × 1,039n

240/1016 = 1,015n / 1,039n

Logarithmes népériens (ln) :

ln (240/1016) = n × ln 1,015 – n × ln 1,039

n = ln (240/1016) / ln 1,015 – ln 1,039

n = 61,7 années

 

3. Taux de croissance moyen annuel du PIB = 4%

Évolution du PIB : Pn = 2032 × 1,04n

Évolution des dépenses de santé : Dn = 240 × 1,064n

Quand les dépenses de santé absorbent-elles 100% du PIB ?

Pn = Dn

Soit 2032 × 1,04n = 240 × 1,064n

240/2032 = 1,04n / 1,064n

Logarithmes népériens (ln) :

ln (240/2032) = n × ln 1,04 – n × ln 1,064

n = ln (240/2032) / ln 1,04 – ln 1,064

n = 93,6 années

Quand les dépenses de santé absorbent-elles 50% du PIB ?

0,5 Pn = Dn

Soit 1016 × 1,04n = 240 × 1,064n

240/1016 = 1,04n / 1,064n

Logarithmes népériens (ln) :

ln (240/1016) = n × ln 1,04 – n × ln 1,064

n = ln (240/1016) / ln 1,04 – ln 1,064

n = 63,2 années

 

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