La répudiation de Valérie

02/02/2014

Patrick AULNAS

Certains ont parlé de répudiation à propos de la rupture entre François Hollande et Valérie Trierweiller. Dans notre civilisation, le mot renvoie évidemment à une époque où les hommes avaient le pouvoir de renvoyer une concubine, en général pour la remplacer par une autre. Les rois de France répudiaient ainsi couramment. La situation actuelle est différente. Sous la royauté, ce pouvoir de répudiation appartenait lexclusivement aux hommes alors qu'aujourd'hui une rupture peut résulter de la volonté de l'un ou l'autre, voire des deux. La rupture entre Nicolas Sarkozy et Cécilia est ainsi imputable à la volonté de cette dernière. Mais ils étaient mariés. Dans ce domaine, le paradoxe est le suivant : si le couple est marié, une procédure légale de rupture doit être respectée ; sinon, la liberté de comportement de chacun n'est limitée que par une éthique choisie. Lorsque l'homme a une fonction aussi importante que François Hollande, une inégalité de fait le place en position forte. La plupart des femmes ont ainsi interprété le comportement de Président de la République comme celui d'un homme qui abuse de sa situation de pouvoir à l'égard d'une femme qui se trouve dans sa dépendance.

Valérie Trierweiller n'a jamais été considérée par les français comme « la première dame » pour la raison toute simple qu'elle n'était pas mariée avec le Président de la République. Ce n'est pas être un conservateur borné que de penser qu'un homme politique important, qui sollicite les suffrages de ses concitoyens, doit se comporter d'une autre manière que le quidam de la classe moyenne. Ne pas se marier peut être une manière de conserver sa liberté de rompre sans procédure légale. Certains croient même que la vie commune sans formalisation juridique est une forme de contestation latente du mariage, analysé comme une institution ancienne d'origine religieuse. Pour penser de cette façon aujourd'hui, il faut ne pas avoir compris que le mariage civil a radicalement changé de signification. Il ne s'agit plus d'une union pour la vie entraînant quelques droits et beaucoup d'obligations, mais de la simple constatation juridique d'un lien entre deux personnes, qui peut être dissout par leur consentement mutuel. Ceux qui souhaitent donner au mariage une dimension spirituelle recourent au mariage religieux.

Pour un Président de la République, le refus du mariage paraît relever d'une erreur d'analyse. On ne peut pas être chef de l'État et refuser les règles de droit que cet État a élaborées dans ce domaine. C'est du moins ainsi que pense l'écrasante majorité des français. Le célibat de François Hollande, qui lui permet de rompre sans aucune formalisation juridique, apparaît anormal. Il semble à de nombreux français ne pas vouloir assumer ses responsabilités dans le cadre de sa vie privée car il refuse l'acte juridique créé par l'État qu'il dirige pour constater le lien civil entre deux personnes. L'idée de répudiation, certainement excessive, vient de là.

Les français ne sont pas choqués par les frasques sentimentales de leurs dirigeants : François Mitterrand, Jacques Chirac avaient une vie amoureuse en dehors de leur mariage. Cela relève de la tradition monarchique : nos rois se sont tous comportés ainsi. Il y avait même de la grandeur aux obsèques de François Mitterrand en présence de son épouse et de la mère de Mazarine. Tous les français y ont été sensibles. Ce qu'ils n'admettent pas de leur Président, c'est qu'il se comporte comme n'importe qui. Normalité n'est pas banalité. L'attitude de François Hollande apparaît anormale parce qu'elle correspond au comportement de beaucoup d'hommes très ordinaires. Mais un Président n'est pas n'importe qui.

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