Uchronie et compétitivité
7/11/2012
Uchronie : « Reconstruction fictive de l’histoire, relatant des faits tels qu’ils auraient pu se produire. » (Larousse en ligne)
Supposons donc que la gauche n’ait pas gagné les élections de 1981 qui ont amené au pouvoir François Mitterrand, le parti socialiste et le parti communiste. Et pour parvenir vraiment à l’uchronie, supposons aussi que Lionel Jospin n’ait pas été premier ministre de 1997 à 2002. La retraite à 60 ans n’aurait pas été adoptée. Le secteur privé aurait conservé la retraite à 65 ans avec un mode de calcul qui était très bien adapté à une société vieillissante (en gros, plus on prolongeait sa vie professionnelle, plus la retraite augmentait). Il aurait été possible d’aligner la retraite des fonctionnaires et du secteur public sur le régime du secteur privé. La réforme des 35 heures n’aurait jamais vu le jour, ni celle des 39 heures, adoptée en 1982. Le temps de travail hebdomadaire aurait donc été maintenu à 40 heures. La cinquième semaine de congés payés n’aurait pas été adoptée. Nous aurions ainsi agi comme de nombreux pays développés qui ont cessé d’accorder de nouveaux avantages sociaux lorsque la croissance ne pouvait plus les financer.
La vie ne ressemblerait pas pour autant à celle des anciens bagnards de Cayenne. Retraite par répartition à 65 ans, semaine de 40 heures et 4 semaines de congés payés : chacun conviendra que nous sommes encore parmi les privilégiés de la planète. Les entreprises seraient compétitives car les charges fiscales et sociales seraient restées supportables et les ridicules « 35 heures payées 39 » ne pèseraient pas lourdement sur leur équilibre produits-charges. La dette publique serait bien moindre puisque nous avons financé une bonne partie de ces nouveaux avantages en nous endettant. Enfin, nous pourrions regarder nos enfants sans avoir à supporter la honte d’appartenir à une génération qui leur lèguera un endettement public abyssal et une situation économique catastrophique.
Nous éviterions aujourd’hui les sordides querelles sur « le choc » ou « le pacte » de compétitivité et sur la manière de le financer. Certains de ceux qui nous dirigent doivent parfois rêver à l’uchronie précédente. Mais ils ne doivent pas le dire. Les politologues expliquent que toutes ces réformes absurdes économiquement sont des « marqueurs » de gauche. Entendez des tabous de gauche. Un peu comme le mariage homosexuel est un tabou de droite. La politique reste l’art de manipuler les archaïsmes profonds de l’être humain. La raison n’y a pas sa place.
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