Finances publiques 2012-2017 : modèle social-démocrate contre modèle libéral

01/02/2012

Patrick AULNAS

Deux conceptions s’affrontent pour mener à bien le rééquilibrage des finances publiques : l’orientation sociale-démocrate choisie en France par François Hollande, et l’orientation libérale choisie par Nicolas Sarkozy. Il est donc intéressant de déterminer si les chances de réussite sont équivalentes ou si l’une des deux options a, structurellement, un impact plus favorable sur les comptes publics. Toute considération politique et sociale sera écartée de façon à s’en tenir aux données quantitatives. Une variable macro-économique importante a également été écartée : l’inflation. Il est clair évidemment qu’une envolée inflationniste déprécierait le stock de dette publique et faciliterait son amortissement, mais il faudrait pour cela un taux d’inflation relativement important (supérieur à 4% par an) sur longue période. Pour l’instant, cette hypothèse n’est pas d’actualité.

La question posée dans la modélisation ci-après est la suivante : à quelles conditions l’équilibre dépenses-recettes est-il obtenu en 2017 ? Nous avons pris pour base les chiffres fournis pour la France par Eurostat pour l’année 2010 :

PIB : 1948 Milliards d’€

Recettes publiques (prélèvements obligatoires + autres recettes) : 958 milliards d’€

Dépenses publiques (Etat, collectivités locales, sécurité sociale) : 1095 milliards d’€

Déficit public : 137 milliards d’€

 

1. Le modèle social-démocrate

 Il propose un maintien du niveau actuel des dépenses publiques, voire une légère augmentation, associée à une augmentation significative des prélèvements obligatoires de façon à réduire le déficit budgétaire.

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En l’absence de croissance économique sur la période, si les dépenses sont stabilisées, l’équilibre est obtenu en 2017 avec une augmentation annuelle des recettes de 2%. Les recettes montent à 56% du PIB, ce qui conduit à des prélèvements obligatoires supérieurs à 50% du PIB. Le problème réside dans l’acceptabilité politique et sociale d’une telle augmentation des prélèvements.

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Toujours en l’absence de croissance sur toute la période, mais avec une petite dérive des dépenses publiques de 0,5% par an, il est nécessaire d’augmenter les recettes de 2,5% par an pour arriver à l’équilibre en 2017. Les recettes publiques représentant alors 58% du PIB, les prélèvements obligatoires deviennent largement supérieurs à 50% du PIB.

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L’équilibre est également obtenu si la croissance économique est de 1% par an avec stabilité des dépenses si l’on  augmente les recettes de 2% par an. On atteint des recettes publiques de 53% du PIB. Les prélèvements obligatoires restent inférieurs à 50% du PIB.

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En cas de dérive des dépenses (1% par an), il faut une croissance économique d’au moins 2% par an pour obtenir l’équilibre à terme. Dans ce cas, la croissance des recettes est de 3% par an mais du fait de la croissance économique qui augmente mécaniquement les recettes fiscales, l’effort reste soutenable. Les prélèvements obligatoires restent inférieurs à 50%.

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On cherche ici à partir de quel taux de croissance du PIB, on peut obtenir l’équilibre en 2017 tout en maintenant le niveau des recettes à 49% du PIB comme en 2010. On suppose que les dépenses dérivent de 1% par an. Il faut alors une croissance économique annuelle de 3% qui permet aisément une augmentation de 3% par an des recettes.

 

Conclusion sur ce modèle.

Le modèle social-démocrate est un modèle très contraint puisqu’il s’interdit peu ou prou de réduire globalement les dépenses publiques. Il conduit, eu égard au déficit initial, à augmenter considérablement les prélèvements obligatoires. Seule une croissance économique forte mais totalement improbable (3% ou plus) permettrait de stabiliser les prélèvements en % du PIB.

 

2. Le modèle libéral

 Les dépenses publiques doivent être réduites ou, au strict minimum, stabilisées. Les prélèvements obligatoires  ne doivent pas augmenter ou seulement de façon modérée.

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En l’absence de croissance économique et d’augmentation des recettes, il faudrait diminuer les dépenses de 2% par an pour atteindre l’équilibre en 2017. Les dépenses passeraient de 56 à 49% du PIB.

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Toujours avec une croissance économique nulle, si les dépenses ne sont réduites que de 1% par an, il faut une augmentation des recettes de 1% par an pour atteindre l’équilibre en 2017. Le taux de prélèvements obligatoires augmente mais reste inférieur à 50% du PIB.

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Avec une croissance économique de 1% par an et une stabilité des recettes, il faut diminuer les dépenses de 2% par an pour atteindre l’équilibre en 2017. Dans ce cas, le taux des prélèvements par rapport au PIB baisse sensiblement. La difficulté est alors l’acceptabilité politique et sociale des baisses de dépenses publiques.

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Si la croissance économique atteint 2% par an, il est possible sans difficulté d’augmenter les recettes de 0,5% par an tout en réduisant nettement le taux de prélèvement par rapport au PIB. Les dépenses doivent alors être réduites de 1,5% par an pour atteindre l’équilibre en fin de période.

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Enfin, dans l’hypothèse d’une forte croissance économique de 3% par an, une augmentation annuelle de 1% des recettes conduirait à un taux de prélèvement en très nette baisse par rapport au PIB. L’équilibre est atteint avec une baisse des dépenses de 1% par an.

 

Conclusion sur ce modèle.

Le modèle libéral est, par définition, beaucoup plus souple du fait de la possibilité de réduire les dépenses. Il conduit dans presque tous les cas à une diminution ou à une stabilisation du taux de prélèvement par rapport au PIB. Il permet, en cas de croissance économique, de réduire très nettement le taux de prélèvement tout en augmentant modérément les recettes.

 ♦♦♦

 Le modèle social-démocrate suppose une croissance économique soutenue pour bien fonctionner. Cela est parfaitement logique puisqu’il propose un interventionnisme plus accentué nécessitant la mobilisation de ressources publiques : elles sont beaucoup plus facile à trouver en période de croissance. Le modèle libéral est bien adapté aux périodes de croissance faible ou de stagnation. Ces périodes supposent en effet un allégement des structures publiques devenues non finançables sous peine d’accumulation des déficits et d’alourdissement de la dette. C’est toute l’histoire des trente dernières années. Le paradoxe est évidemment que les gouvernements d’inspiration libérale n’ont jamais vraiment mené une politique budgétaire libérale pour des raisons largement électoralistes.

 

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