Peinture romane
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Patrick AULNAS
11e et 12e siècles
Ange du Jugement dernier (v. 1080)
Fresque, Sant'Angelo in Formis, Capoue
Les origines de l'art roman
Le terme art roman apparaît au début du 19e siècle pour désigner la production artistique de l'Europe de l'ouest aux 11e et 12e siècles. Jusqu'au 18e siècle, l'art du Moyen Âge était globalement qualifié de gothique. Le mot roman fait référence aux églises de cette époque dont l'architecture s'inspirait des basiliques romaines. Il est employé pour la première fois par l'archéologue et historien français Arcisse de Caumont (1801-1873) dans son Essai sur l'architecture du Moyen Âge, particulièrement en Normandie (1824). Arcisse de Caumont avait repris l'adjectif roman à son ami Charles Duhérissier de Gerville (1769-1853) qui, dans une lettre de 1818, l'avait utilisé pour dégager le concept de langues romanes.
Le renouveau artistique du 11e siècle correspond à une évolution générale de la société. Après l'arrêt des incursions scandinaves et sarrasines en Occident commence une époque de grands défrichements permettant de mettre en culture de nouvelles terres. Un certain progrès technique, en particulier l'utilisation du collier d'épaule dans les attelages agricoles, améliore la productivité. En utilisant le vocabulaire actuel, nous pourrions dire que l'époque connaissait une accélération de la croissance économique et démographique. De telles périodes sont toujours marquées par de nouvelles constructions : dans le cas présent, il s'agit de monastères, d'abbayes ou de lieux de cultes qui nécessitent une décoration. Le renouveau architectural est donc l'élément initial de l'art roman. La caractéristique la plus connue des édifices romans est la voûte en plein cintre c'est-à-dire en demi-cercle, par opposition aux voûtes en ogive du gothique.
Outre l'architecture, l'art roman comporte les vitraux, la sculpture, l'orfèvrerie et le travail de l'ivoire, la peinture, la broderie et l'enluminure. Seules ces trois dernières techniques seront abordées ici.
Un art ornemental et didactique
Qu'il s'agisse de peinture, de broderie ou d'enluminure, l'art roman poursuit deux objectifs : décorer et enseigner.
1. Un art ornemental
Depuis la préhistoire, les hommes décorent leur environnement de peintures pariétales puis murales. Les immenses murs de pierre et les voûtes des églises romanes se prêtent bien à la technique de la fresque. Bien entendu, la plupart de ces fresques ont aujourd'hui disparu, mais nous disposons de suffisamment d'exemples pour nous représenter clairement la peinture romane. La peinture sur bois n'est pas absente mais beaucoup plus rare. Elle peut être utilisée pour réaliser des retables destinés à décorer l'autel. Les murs peuvent aussi être décorés de tapisseries, la plus célèbre étant la Tapisserie de Bayeux, broderie de soixante-dix mètres de long.
Tapisserie de Bayeux (1066-1082). Guillaume le Conquérant
Broderie laine sur toile de lin
La décoration concerne également les manuscrits qui sont richement enluminés. L'enluminure est l'art de décorer un manuscrit avec des images peintes.
2. Un art didactique
Alors que dans une religion comme l'Islam, la question de la représentation de la divinité a été résolue de façon très restrictive, le christianisme a admis très tôt le rôle didactique de l'image. C'est un paradoxe, car la Bible (Ancien Testament) est plus sévère que le Coran dans ce domaine. Un échange de lettres entre Serenus, dixième évêque de Marseille, et le pape Grégoire 1er, dit le Grand (v. 540-604), est resté célèbre. Serenus avait appliqué strictement à Marseille le commandement de Dieu à Moïse :
« Tu ne feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point. » (Exode 3-5).
Grégoire 1er avait alors fait remettre à Serenus la lettre suivante :
« J'ai appris, il y a longtemps, que voyant quelques personnes adorer les images de l'église vous les aviez brisées et jetées dehors. Je loue votre zèle pour empêcher que ce qui est fait de main d'homme ne soit adoré : mais je crois que vous ne deviez pas briser ces images. Car on met des peintures dans les églises afin que ceux qui ne savent pas lire voient sur les murailles ce qu'ils ne peuvent apprendre dans les livres. Vous deviez donc les garder et détourner le peuple de pécher en adorant la peinture. »
Le texte de la Bible est en fait une réaction contre l'adoration des idoles qui prévalait avant l'apparition des monothéismes. Son application stricte a intelligemment été jugée inopportune par le pape. Cette position n'a jamais été remise en cause par l'Eglise catholique : si les images ne doivent pas être adorées, elles permettent aux illettrés d'apprendre ce qu'ils sont incapables de lire.
La chute (1225-1250)
Tempera sur bois, Saint-Michel de Hildesheim.
La peinture murale
Nef de l'abbaye de Saint-Savin-sur-Gartempe (v. 1100)
Fresque
La peinture murale nécessite de fréquents déplacements des artistes. Des artisans-peintres spécialisés parcouraient donc les chemins pour réaliser les décors des églises. Il est probable qu'ils se différenciaient complètement des moines ou des laïcs enlumineurs ornementant les manuscrits dans les monastères. La stabilité était nécessaire pour ces derniers. La peinture murale romane est assez rarement une véritable fresque sur le plan technique. La technique de la fresque consiste à peindre sur un enduit frais (mélange de sable et de chaux) de telle sorte que la peinture s'incorpore à l'enduit et devient aussi dure en séchant que l'enduit lui-même. Il en résulte une stabilité remarquable. Mais pour l'artiste, un inconvénient majeur apparaît : il doit travailler très vite (une journée maximum) car après séchage, aucune retouche n'est possible. Une grande maîtrise est nécessaire pour travailler aussi rapidement sans laisser apparaître de défauts majeurs. Cette contrainte conduisait souvent les artisans du Moyen Âge à travailler sur un enduit déjà partiellement ou totalement sec, que l'on remouillait pour étaler la peinture. Il est clair que ce procédé ne permet pas d'obtenir une peinture dans la masse de l'enduit. La couche de peinture reste superficielle et fragile. Cela explique que beaucoup de peintures murales romanes aient totalement disparu et que celles qui subsistent soient fréquemment mal conservées.
D'un point de vue stylistique et thématique, les zones géographiques sont déterminantes. L'influence byzantine est dominante en Italie, l'influence ottonienne dans le Saint-Empire romain germanique et l'influence carolingienne en France.
Nous emploierons ci-après le mot fresque dans son sens générique (peinture appliquée sur un mur) sans tenir compte des subtilités techniques.
Italie
Les relations de l'Italie du Nord avec Constantinople restent importantes au 11e siècle, en particulier dans une ville comme Venise qui commerce avec le Moyen-Orient. Mais toute l'Italie du nord est imprégnée de l'esthétique byzantine. C'est seulement au 12e siècle que l'on voit apparaître à Rome un renouveau stylistique sous l'influence d'un groupe d'ecclésiastiques voulant glorifier le passé de la ville éternelle.
Abbaye de Sant'Angelo in Formis, vue de la nef (v. 1080). Cette église romane, située près de Capoue, est dans un état de conservation exceptionnel. Ses murs entièrement décorés de fresques constituent l'ensemble le plus important que nous possédions du 11e siècle. Probablement peintes par un artiste inconnu de Constantinople, ces fresques s'inspirent de la tradition byzantine. |
Ange du Jugement dernier (v. 1080). Fresque, Sant'Angelo in Formis, Capoue. Sur l'intérieur du mur d'entrée se trouve une vaste représentation du Jugement dernier. Cet ange est un détail de la fresque. |
Christ en majesté (v. 1080). Fresque, Sant'Angelo in Formis, Capoue. Ce Christ majestueux peint au-dessus de l'autel constitue le sujet principal des fresques. Il s'agit, conformément à la tradition byzantine, d'un Christ pantocrator, c'est-à-dire d'un Christ en gloire, tout-puissant, qui esquisse une bénédiction de la main droite. |
La Cène. (v. 1080). Fresque, Sant'Angelo in Formis, Capoue. La Cène est le nom donné par les chrétiens au dernier repas pris par Jésus-Christ avec les douze apôtres, la veille de sa crucifixion. |
Basilique inférieure Saint-Clément. La Basilique Saint-Clément-du-Latran à Rome comporte plusieurs niveaux. Sur une maison romaine du 1er siècle, où se déroulait un culte chrétien clandestin, a été érigée une église chrétienne dédiée à saint Clément. Elle fut progressivement agrandie. Des restaurations eurent lieu du 9e au 11e siècle. A la fin du 11e siècle, les murs sont décorés de fresques d'une inspiration nouvelle, s'éloignant de la tradition byzantine pour mettre l'accent sur des épisodes légendaires du christianisme à Rome. Cette basilique inférieure ayant été détruite par un incendie, une nouvelle église est construite au début du 12e siècle. |
Le corps de saint Clément (v. 1100). Fresque, Basilique Saint-Clément-du-Latran, Rome. Saint Cyrille et saint Méthode apportent le corps de saint Clément à Rome. Saint Clément de Rome vécut à la fin du 1er siècle. Il est considéré comme le quatrième évêque de Rome. Selon la légende, il est mort en martyr en étant précipité dans la mer Noire avec une ancre attachée au cou. Ses reliques auraient été ramenées de Crimée à Rome par saint Cyrille et saint Méthode. La fresque illustre ce retour. |
Le sauvetage miraculeux d'un enfant (v. 1100). Fresque, Basilique Saint-Clément-du-Latran, Rome. Cette scène est consacrée au sauvetage par saint Clément d'un enfant se noyant dans la mer d'Azov. Outre son caractère narratif, la fresque présente un aspect décoratif marqué avec les multiples motifs encadrant la scène principale. Dans la partie inférieure, l'artiste a placé un médaillon de saint Clément encadré par les figures de donateurs. |
Reliques de saint Cyrille (v. 1100). Fresque, Basilique Saint-Clément-du-Latran, Rome. Cyrille (v. 827-869) et Méthode (v. 815-885) sont deux frères originaires de Thessalonique (Grèce) considérés comme les évangélisateurs des peuples slaves. Les deux frères ont ramené à Rome les reliques de saint Clément en 868. Cyrille mourut pendant son séjour à Rome et sa sépulture fut placée dans la basilique Saint-Clément. La fresque illustre cet épisode. |
France
L'art roman prend en France la suite de l'art carolingien qui s'était affirmé sous le règne de Charlemagne (742-814) et de ses successeurs jusqu'à l'aube du 10e siècle. L'exemple le plus significatif est situé dans l'abbaye de Saint-Savin-sur-Gartempe à proximité de Poitiers. Des peintures murales du début du 12e siècle, consacrées à des épisodes de l'Ancien Testament (la Création et la Chute, Abel et Caïn, Noé, Moïse, Abraham, etc.) recouvrent les murs. Les couleurs utilisées sont peu nombreuses, mais les compositions schématisées ont une remarquable capacité expressive.
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Saint-Empire romain germanique
On a qualifié d'art ottonien la production artistique pré-romane dans l'empire germanique. L'adjectif ottonien vient du nom du roi Otton 1er (912-973). Après le déclin des carolingiens, les souverains ottoniens fondent le Saint-Empire romain germanique censé prolonger politiquement l'Empire romain d'Occident disparu au 5e siècle. Cette période ottonienne s'étend du début du 10e siècle au début du 11e ; elle est très active culturellement et l'art roman qui suit immédiatement l'art ottonien subit son influence.
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Espagne
L'Espagne joue un rôle majeur dans le patrimoine pictural roman. Elle possède les fresques les mieux conservées. L'inspiration byzantine subsiste nettement, comme à Sant Climent de Taüll, mais le talent des artistes locaux, leur maîtrise de la couleur et de l'ornementation impriment aux compositions une puissance particulière.
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La peinture sur bois
Le plafond de l'église de Hildesheim (1225-50)
Tempera sur bois de chêne
La peinture sur bois est beaucoup plus rare à l'époque romane que la fresque. Elle était couramment utilisée par l'art byzantin pour produire des icônes mais l'objectif essentiel de l'art roman est la décoration des vastes édifices religieux qui se construisent à cette époque. Il n'est donc pas étonnant que le plus remarquable ensemble de peinture sur bois ait été consacré à l'ornementation du plafond d'une église : celle de Saint-Michel à Hildesheim, ville située en Basse-Saxe (Allemagne).
Le Musée national d'art de Catalogne à Barcelone possède également des fragments de retables de l'époque romane en très bon état de conservation.
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Les manuscrits enluminés
Psautier de Saint-Alban, nativité (v. 1125)
Enluminure sur parchemin
Les enluminures sont de somptueuses compositions peintes qui illustrent les manuscrits à caractère religieux avant l'apparition de l'imprimerie. Il y a très peu de manuscrits car la population est analphabète. Ils sont donc réservés à une petite élite de seigneurs et d'ecclésiastiques de haut rang. La réalisation pouvant s'étaler sur de nombreuses années, le prix des manuscrits est très élevé. Les images peintes illustrant le texte sont qualifiées d'enluminures ou de miniatures. Il peut s'agir d'images pleine page, d'ornementations diverses (végétale, religieuse) incorporées au texte ou encore de lettrines, c'est-à-dire d'une lettre majuscule ornementée placée au début d'un chapitre, d'un psaume, d'une prière, etc. Les manuscrits enluminés ont un caractère religieux : Bibles, psautiers, évangéliaires. Les psautiers sont des recueils de psaumes (chants religieux) pouvant comprendre aussi un calendrier liturgique (fêtes religieuses) et divers textes toujours à caractère religieux. Les évangéliaires sont des recueils des Évangiles en latin qui seront lus lors des cérémonies religieuses.
Les techniques de cette époque sont purement artisanales. Tout est donc fabriqué à la main : couleurs, encres, parchemin, peinture et écriture. Le manuscrit est le plus souvent confectionné dans un scriptorium de monastère par des scribes et des enlumineurs pouvant être clercs ou laïcs. Le texte est d'abord copié sur le parchemin, l'enluminure intervenant ensuite. On utilisait des couleurs d'origine végétale, animale ou minérale mélangées à de la graisse animale. Un liant (blanc d'œuf, colle de poisson) donnait au mélange ses propriétés adhésives et lui permettait de tenir sur le support. Le support est le parchemin, c'est-à-dire une feuille (folio) obtenue à partir de peaux animales (moutons, chèvres, veau). Le vélin (de vélot, veau mort-né) est le parchemin de luxe, très fin et très doux, car provenant d'animaux mort-nés.
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Les tapisseries
Tapisserie de Bayeux, Edouard le Confesseur (1066-1082)
Broderie laine sur toile de lin
La plus célèbre tapisserie est celle de la reine Mathilde, dite Tapisserie de Bayeux, car elle est aujourd'hui conservée dans cette ville située en Normandie (France). Il s'agit en réalité d'une broderie de fils de laine sur toile de lin d'environ 70 mètres de long (neuf panneaux) sur 0,5 mètre de large. Elle représente la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant (1027-1087). La bataille d'Hastings (14 octobre 1066) opposant Guillaume à Harold Godwinson (1022-1066), le dernier roi saxon d'Angleterre, est particulièrement illustrée. La tapisserie a été confectionnée entre 1066 et 1082 afin d'être exposée dans la cathédrale de Bayeux. Il s'agit de raconter à la population les exploits de leur souverain Guillaume de Normandie. Le point de vue est donc celui des normands pour lesquels l'invasion de l'Angleterre était légitime.
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Commentaires
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- 1. vybiral roland Le 13/02/2021
Merci pour cet article didactique , résumé clair de la peinture murale romane ,Berzé la ville et Tavant mériteraient une petite place aussi à coté de st Savin sur Gartempe -
- 2. Evelyn Le 10/05/2020
Merci pour cette article complet et très intéressant !
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