Plautilla Nelli

 
 

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Patrick AULNAS

Plautilla Nelli. Mater Dolorosa (1550-88)

Plautilla Nelli. Mater Dolorosa (1550-88)
Huile sur bois, 71 × 57 cm, Museo del Cenacolo di Andrea del Sarto, Florence.

 

Biographie

1524-1588

Pulisena Margherita Nelli est née à la fin de l’année 1524 et a été baptisée à Florence le 29 janvier 1525. Elle est issue d’une famille aisée de la bourgeoisie marchande florentine. Son père, Piero Luca Nelli, était un marchand de tissus prospère. La famille Nelli était bien connue à Florence et une rue porte aujourd’hui son nom, la via del Canto de 'Nelli.

Pulisena entre à l’âge de quatorze ans au couvent Santa Caterina da Siena, situé place San Marco à Florence, et prend alors le nom de sœur Plautilla. Ce couvent était dirigé par les dominicains qui subissaient encore à cette époque l’influence de Savonarole. Savonarole (1452-1498), moine et prédicateur dominicain, avait réussi à prendre le contrôle politique de Florence entre 1494 et 1498 et y avait institué une sorte de dictature théocratique annihilant toute liberté artistique. Un bûcher des Vanités avait été dressé en 1497 sur la Piazza della Signoria et des livres, des tableaux, des vêtements et des objets jugés licencieux avaient été brûlés. Les prêches de Savonarole conservaient une influence chez les dominicains au début du 16e siècle. Le prédicateur fanatique encourageait les religieuses à dessiner et à peindre des scènes édifiantes pour ne pas laisser prise à la paresse. Le couvent Santa Caterina da Siena devint ainsi un véritable centre de sœurs artistes.

 

Plautilla Nelli. Lamentation (1550-1588)

Plautilla Nelli. Lamentation (1550-1588)
Huile sur bois, 288 × 192 cm, Museo di San Marco, Florence.

 

Selon Giorgio Vasari sœur Plautilla « débuta par copier des tableaux des grands maîtres et finit par faire elle-même de véritables chefs-d’œuvre qui émerveillèrent les artistes. » (*) En réalité, les religieuses ne pouvant sortir que rarement du couvent, Plautilla Nelli a dû s’inspirer de copies qui circulaient en abondance à Florence. Elle commence probablement par copier des dessins de Fra Bartolomeo (1472-1517), peintre de scènes religieuses et moine dominicain, qui fut très influencé par Savonarole. Elle passera sa vie dans le couvent Santa Caterina da Siena dont elle fut une personnalité exceptionnelle, non seulement dans le domaine artistique, mais également en tant que religieuse.

Plautilla Nelli a été élue à plusieurs reprises prieure du couvent Santa Caterina da Siena, c’est-à-dire qu’elle le dirigeait. Elle possédait ce que nous appellerions aujourd’hui une capacité de management. Le couvent produisant beaucoup de peintures des sœurs peintres, elle parvenait habilement à les vendre, de telle sorte que les ventes d’œuvres d’art représentaient la partie la plus importante des ressources du couvent. Il existait un véritable atelier de production artistique dans le couvent, mais les collaboratrices et les élèves de sœur Plautilla n’avaient pas son talent.

 

Œuvre

Giorgio Vasari est très élogieux à propos de Plautilla Nelli. « Une nativité du Christ, quelle fit d’après le Bronzino, montre à quelle hauteur elle se serait élevée, si, comme tous les peintres, elle eût eu la faculté d’étudier d’après nature. On peut s’en convaincre facilement du reste, par ses propres ouvrages où les têtes de femmes, qu’il lui était permis d’étudier à loisir, sont bien supérieures aux têtes d’hommes qu’elle était obligée d’imaginer. Elle a souvent reproduit dans ses tableaux les traits de Madonna Cistanza de’ Doni, et avec une telle perfection que l’on ne saurait désirer rien de mieux. » (*)

L’art de Plautilla Nelli a sans aucun doute été entravé par les limites de la condition féminine au 16e siècle. Elle a dirigé le couvent Santa Caterina da Siena et se trouvait donc à la tête d’un atelier important de production artistique (dessin, gravures, tableaux). Les réalisations étaient vendues à des ecclésiastiques, des églises, des monastères, mais aussi à des aristocrates et à des bourgeois aisés. Il est ainsi difficile de distinguer ce qui est de la main de sœur Plautilla de ce qui est l’œuvre de l’atelier. Les historiens ont progressé, mais beaucoup d’incertitudes subsistent quant aux attributions.

 

Plautilla Nelli. Crucifixion (1550-88)

Plautilla Nelli. Crucifixion (1550-88)
Huile sur bois, Museo del Cenacolo di Andrea del Sarto, Florence.

 

L’œuvre de Plautilla Nelli a pour thème l’édification des chrétiens par l’image. La pureté de ses compositions les investit d’une forte dimension spirituelle, mais leur style constitue une originalité dans l’Italie de la seconde moitié du 16e siècle, moment privilégié de la tendance maniériste. Tout comme Fra Angelico, dont l’œuvre conservait largement un siècle auparavant les caractéristiques du gothique, Plautilla Nelli s’inspire davantage des artistes du 15e siècle que de ses contemporains. La production conventuelle n’avait évidemment pas l’aspiration purement esthétique du maniérisme, ni les mêmes commanditaires. Il s’agissait d’illustrer des épisodes religieux pour propager la foi et non pour renouveler l’approche artistique. Il en résulte souvent des vastes compositions constituant une performance technique remarquable, mais comportant toujours une pureté artistique liée à la dimension spirituelle.

L’essentiel de la production de Plautilla Nelli peut être rattaché à la période 1550-1588, mais les dates exactes restent incertaines.

 

Plautilla Nelli. Saint Dominique reçoit le chapelet (1550-88)

Plautilla Nelli. Saint Dominique reçoit le chapelet (1550-88)
Huile sur bois, 147 × 231 cm, Museo del Cenacolo di Andrea del Sarto, Florence.

 

Plautilla Nelli. Lamentation (1550-1588)

Plautilla Nelli. Lamentation (1550-1588). Huile sur bois, 288 × 192 cm, Museo di San Marco, Florence. Ce grand tableau faisait fonction de retable d’autel dans l’église du couvent Santa Caterina da Siena où vivait l’artiste. Le thème de la lamentation sur le Christ mort a été traité à de multiples reprises depuis le 15e siècle et Plautilla Nelli avait certainement eu l’occasion de voir des dessins ou même des peintures sur le même thème. Elle reste influencée par l’art du 15e siècle qui utilisait volontiers un arrière-plan naturel et architectural du même type. L’accentuation des émotions rappelle la dramatisation du thème par Van Der Weyden. La maîtrise chromatique est remarquable et l’utilisation de couleurs vives et fortement contrastantes pourrait être interprétée comme une influence maniériste à une époque où ce courant avait pris une importance primordiale en Italie.

 

Plautilla Nelli. Lamentation, détail (1550-88)

Plautilla Nelli. Lamentation, détail (1550-88). On ne peut que souscrire à l’observation de Vasari. Les visages et les gestes des femmes semblent parfaitement naturels, mais la représentation du Christ mort est éloignée de tout réalisme. Il apparaît rigidifié comme une sorte de mannequin de bois et non comme le cadavre d’un homme, fut-il divin. Cette maladresse n’altère pas l’émotion produite par la scène.

 

Plautilla Nelli. L’annonciation (1550-88)

Plautilla Nelli. L’annonciation (1550-88). Huile sur bois, 97 × 72 cm, Galerie des Offices, Florence. L’archange Gabriel annonce à la Vierge Marie la naissance prochaine du Christ (maternité divine de la Vierge selon le dogme chrétien). Le tableau s’inspire de ceux du 15e siècle avec une Vierge placée dans une architecture à arcades permettant de mettre en évidence l’effet de perspective. Fra Angelico, Filippo Lippi et bien d’autres avaient utilisé cette composition dès la première moitié du 15e siècle.

 

Plautilla Nelli. L’annonciation, détail (1550-88)

Plautilla Nelli. L’annonciation, détail (1550-88). Les deux figures se distinguent par les vêtements et les ailes de l’archange Gabriel, mais leurs visages et leurs coiffures sont très similaires et féminines.

 

Plautilla Nelli. L’annonciation, variante (1550-88)

Plautilla Nelli. L’annonciation, variante (1550-88). Huile sur bois, 97 × 72 cm, Palazzo Vecchio, Florence. Ce tableau très similaire au précédent a été restauré en 2017 sous l’égide de la fondation Advancing Women Artists.

 

Plautilla Nelli. Mater Dolorosa (1550-88)

Plautilla Nelli. Mater Dolorosa (1550-88). Huile sur bois, 71 × 57 cm, Museo del Cenacolo di Andrea del Sarto, Florence. Thème remontant à l’Antiquité et présentant une figure tragique de la mère. Dans l’iconographie chrétienne, cette image renvoie à celle de la Vierge souffrant de la crucifixion de son enfant et aboutit aux pietà comportant le Christ mort soutenu par la Vierge. La présence du calice et des clous de la crucifixion indique qu’il s’agit d’une Vierge. La pureté exceptionnelle de la composition restitue la profonde spiritualité qui animait l’artiste.

 

Plautilla Nelli. Mater Dolorosa, détail (1550-88)

Plautilla Nelli. Mater Dolorosa, détail (1550-88). Le visage affligé de la Vierge, parfaitement dessiné, s’inspire des visages idéalisés de Filippo Lippi ou de Botticelli. Il est surmonté d’une auréole discrète, soulignant la sainteté, symbole iconographique qui avait presque disparu dans la seconde moitié du 16e siècle.

 

Plautilla Nelli. La Cène (1550-1588)

Plautilla Nelli. La Cène (1550-1588). Huile sur toile, 670 × 195 cm, basilique Santa Maria Novella, Florence. La Cène est le dernier repas pris par Jésus-Christ avec les douze apôtres, la veille de sa crucifixion. Le thème impose une composition très large permettant de faire apparaître distinctement le Christ et ses disciples. L’œuvre de Plautilla Nelli était très endommagée et a bénéficié d’une restauration d’une durée de plusieurs années à partir de 2015.
Les apôtres manifestent leur émotion par des gestes tandis que le Christ console l’un d’eux. Judas apparaît seul du côté opposé de la table. Cet artifice de composition, permettant de distinguer Judas, est courant : Andrea del Castagno et Domenico Ghirlandaio l’avaient déjà utilisé au siècle précédent.

 

Plautilla Nelli. Sainte Catherine en prière (1550-88)

Plautilla Nelli. Sainte Catherine en prière (1550-88). Huile sur bois, 145 × 235 cm, Museo del Cenacolo di Andrea del Sarto, Florence. . La peinture, très endommagée, a été restaurée en 2008. Catherine Benincasa (1347-1380), née à Sienne en Italie fit vœu de chasteté dès l’âge de sept ans, entra plus tard dans les ordres et mena une vie mystique. Selon le récit chrétien, elle reçut les stigmates, c’est-à-dire des blessures identiques à celles du Christ. Elle joua un rôle important au 14e siècle auprès du pape et fut canonisée en 1461.
Plautilla Nelli représente la sainte les yeux tournés vers le ciel ennuagé où apparaît une petite lumière jaune symbolisant la divinité. Les stigmates apparaissent sur ses mains.

 

Plautilla Nelli. Sainte Catherine au lys (1550-88)

Plautilla Nelli. Sainte Catherine au lys (1550-88). Huile sur bois, Museo del Cenacolo di Andrea del Sarto, Florence. Il existe plusieurs versions de ce tableau représentant Catherine de Sienne tenant un crucifix et une fleur de lys, symbole de virginité et renvoyant également à la Vierge Marie. Les stigmates apparaissent sur les mains de la sainte. Le style de ce portrait de profil, au trait parfaitement net, rappelle certaines réalisations du 15e siècle, par exemple Botticelli, portrait d’une jeune femme (1475)

 

Plautilla Nelli. Saint Dominique reçoit le chapelet (1550-88)

Plautilla Nelli. Saint Dominique reçoit le chapelet (1550-88). Huile sur bois, 147 × 231 cm, Museo del Cenacolo di Andrea del Sarto, Florence. Dominique de Guzman (1170-1221) est un religieux espagnol, fondateur de l’ordre des frères prêcheurs, appelé par la suite ordre des Dominicains. Selon la légende, la Vierge lui aurait donné un chapelet afin de l’assister dans ses prédications. Le chapelet est utilisé pour pratiquer le rosaire, récitation de prières catholiques dédiées à la Vierge. Sœur Plautilla appartenait à l’ordre des Dominicains.

 

Plautilla Nelli. Crucifixion (1550-88)

Plautilla Nelli. Crucifixion (1550-88). Huile sur bois, Museo del Cenacolo di Andrea del Sarto, Florence. Le tableau était très endommagé et a été restauré ces dernières années. La composition symétrique et très épurée, avec un Christ longiligne traité comme une statue et dont l’opalescence contraste fortement avec le paysage de fin du monde constituant l’arrière-plan, donne une puissance spirituelle exceptionnelle à ce tableau. Peut-être le chef-d’œuvre de l’artiste.

 

Plautilla Nelli. Buste de jeune femme (1550-88)

Plautilla Nelli. Buste de jeune femme (1550-88). Pierre noire et mine de plomb sur papier, 31,9 × 23,1 cm, Galerie des Offices, Florence.

 

Plautilla Nelli. Vierge allaitant (1550-88)

Plautilla Nelli. Vierge allaitant (1550-88). Huile sur toile, encre et pierre noire sur papier, 16,6 × 19,1 cm, Galerie des Offices, Florence.

 

 

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(*) Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (première édition 1550, remaniée en 1568, traduction Leclanché, 1841)

Commentaires

  • pauline débieras
    • 1. pauline débieras Le 16/11/2019
    Qu'est-ce que "La pureté exceptionnelle de la composition restitue la profonde spiritualité qui animait l’artiste"?
    une "pureté de composition" est d'une subjectivité qui ne peut pas se comprendre.
    idem pour "’arrière-plan, donne une puissance spirituelle exceptionnelle à ce tableau" : en quoi peut-il y avoir une puissance spirituelle dans un arrière plan figuratif?
    Peut-on préciser cela; Merci en tout cas pour montrer cette artiste
  • Godefroy Nguyen
    • 2. Godefroy Nguyen Le 09/07/2019
    Merci beaucoup pour cette jolie monographie d'une peintre dont j'ignorais totalement l'existence. Elle représente une rareté dans la production artistique de l'époque. Très intéressante découverte.

    Sur la lamentation : les hommes debout et les femmes assises ou agenouillées. Le sentiment est une affaire de femmes, la dignité une caractéristique des hommes;-)

    Le buste de jeune femme semble être une copie de Léonard. Dans la crucifixion on note la lune et le soleil présents simultanément et "humanisés".
    La Cène semble inspirée de Ghirlandaio mais aussi de Léonard dans l'animation des apôtres (Santa Maria alle Grazie)

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