La convergence des luttes n’aura pas lieu

17/04/2018

Patrick AULNAS

La convergence des luttes ! Voilà une expression à la mode dans les milieux de gauche. On rêve à mai 1968, à la grève générale, à la chute du gouvernement ou même à la démission du Président de la République. Rien de tout cela n’est vraiment sérieux. Seuls de petits cercles de militants font grand bruit, mais ils ne sont pas relayés. Les médias amplifient les petites contestations catégorielles en se jetant, comme à leur habitude, sur tout ce qui bouge. Mais le calme de la société n’est jamais évoqué. Pourtant, sous les vaguelettes contestataires, les français restent de marbre.

Il n’y aura pas de mai 2018 car la situation n’a strictement aucun rapport avec celle de mai 1968. Voici quelques rappels.

 

La société de 1968 : le monde d’hier

La France du début du XXIe siècle est une des sociétés les plus libres de l’histoire de l’humanité du point de vue sociétal. Contraception, interruption volontaire de grossesse, mariage homosexuel, procréation médicalement assistée ont permis de ranger les interdictions d’antan au magasin des accessoires surannés.

L’arrière-plan sociétal était profondément différent en mai 1968. Une bourgeoisie traditionnelle tenait encore fermement les rênes d’une morale jugée archaïque par toute la jeunesse. La loi Neuwirth autorisant la contraception orale (la « pilule ») et l’information contraceptive venait d’être adoptée en décembre 1967.

Les débats au Parlement avaient été extrêmement violents. L’Église catholique et l’ordre des médecins faisaient du lobbying contre la loi Neuwirth auprès des pouvoirs publics. Les parlementaires conservateurs n’étaient que les représentants d’un monde voué à disparaître. Formatés par une morale multiséculaire qu’ils considéraient comme éternelle, ils ont tenté en vain de la pérenniser par la violence légale.

L’application effective de la loi sera lente car les décrets d’application n’entreront en vigueur qu’entre 1969 et 1972. En 1968, la contraception orale et toute information sur les moyens contraceptifs étaient donc encore prohibées. Un autre monde !

 

En 1968, le marxisme structurait la pensée de gauche

Il n’existe plus d’idéologie révolutionnaire crédible aujourd’hui. Les quelques trotskystes qui survivent encore à l’extrême-gauche ne sont que des nostalgiques des luttes d’un passé révolu. La doxa de gauche se fonde sur une vague idée de marche vers l’égalité par la contrainte réglementaire et l’augmentation sans limite des prélèvements obligatoires. Le marxisme est discrédité économiquement depuis la chute de l’URSS, qui fut une démonstration historique en temps réel de l’inefficacité de ses préceptes.

En 1968, au contraire, le marxisme structurait la pensée de gauche et conservait un immense prestige auprès des intellectuels les plus prestigieux, comme par exemple Jean-Paul Sartre. Communistes et socialistes interprétaient la doctrine différemment sur le plan de l’action politique. Mais tous deux rêvaient d’une société sans classes devant advenir dans un avenir indéterminé. L’idéal marxiste induisait des programmes politiques comportant à peu près les mêmes éléments : nationalisations, fiscalité fortement redistributive, droit social très contraignant.

Tout cela a volé en éclats. Plus question de grands programmes de nationalisations. La redistribution par la fiscalité atteint ses limites extrêmes et n’est plus qu’un hochet pour bébé électeur. Quant au droit social, François Hollande lui-même a légèrement desserré les contraintes avec quelques dissensions dans sa majorité.

Les discours lyriques de Mélenchon ne pèsent pas très lourd face à ces réalités : pure agitation politicienne permettant d’empêcher la dérive d’un électorat qui peine à suivre la mondialisation. De ce point de vue, Mélenchon a son utilité. Il représente le passé et trompe sans vergogne ses électeurs sur l’avenir du monde, mais il permet de canaliser le mécontentement, ce qui est indispensable pour la stabilité socio-politique. Les Insoumis, comme la CGT, constituent des structures de cantonnement de la colère.

 

La guerre froide et l’influence soviétique sur les élections en France

Le contexte géopolitique mondial du début du XXIe siècle n’a rien de commun avec celui de 1968. Un monde multipolaire a remplacé l’affrontement de deux blocs. Si les États-Unis restent la première puissance militaire, la Russie conserve une armée de premier ordre. L’Europe, en s’unissant, a acquis un poids économique important et la Chine émerge rapidement tant sur le plan militaire qu’économique.

En 1968, l’URSS représentait le communisme et les États-Unis le capitalisme. Les deux puissances parvenaient à éviter un conflit armé direct, mais s’affrontaient pacifiquement dans tous les domaines. C’était la guerre froide.

La dictature soviétique ne permettait aucune liberté d’expression et l’opinion publique russe n’avait donc pas voix au chapitre. Du côté occidental au contraire, la liberté permettait aux partis communistes de soutenir l’URSS, de déformer totalement la réalité déjà bien connue de ce pays et de faire croire aux militants que l’éden n’était pas très loin.

La contrepartie de la propagande prosoviétique des partis communistes occidentaux était un soutien logistique et financier important. La Russie intervenait déjà dans les élections occidentales de façon occulte et probablement en fournissant des moyens beaucoup plus importants qu’aujourd’hui.

C’est l’influence islamique qui a remplacé l’influence russe, aujourd’hui très faible sur notre société. Aussi, l’extrême-gauche s’acoquine-t-elle volontiers avec cette mouvance profuse dans la jeunesse musulmane. Le parallèle avec l’emprise marxiste sur la jeunesse universitaire de 1968 ne serait pas pertinent. Les soixante-huitards sont devenus pour la plupart des bourgeois bon chic, bon genre. On voit mal les petits délinquants de l’islamisme radical suivre la même voie. Ils n’ont aucun avenir, même pas celui-là.

 

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