Macron, l’histoire en marche

19/06/2017

Patrick AULNAS

La longue séquence électorale française qui s’achève a fait l’objet de commentaires abondants. Mais en définitive, que conclure de cet épisode politique totalement inattendu ? Quatre constatations s’imposent :

  • L’émergence d’une troisième force qui remplace la bipolarisation traditionnelle ;
  • Le pragmatisme de Macron et de La République en Marche (LREM) ;
  • Une opposition principalement constituée par les extrêmes ;
  • Les mêmes problèmes fondamentaux subsistent et devront être traités.

 

De la bipolarisation à la « troisième force »

L’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron, avec une majorité parlementaire forte, représente une évolution politique importante. Sous la IIIe République (1871-1940) ainsi que sous la IVe (1946-1958), un régime parlementaire pur avait été choisi. Des gouvernements de coalition gouvernaient le pays. Les élections législatives étaient les élections reines qui déterminaient les partis pouvant participer à la coalition gouvernementale.

En 1958, le général de Gaulle avait voulu abandonner ce « régime des partis » qu’il abhorrait. Il renforça l’exécutif en instaurant un régime semi-présidentiel comprenant un Président de la République « au-dessus des partis » et un Premier ministre, chef du gouvernement et responsable devant l’Assemblée Nationale. Ces nouvelles institutions conduisirent à une bipolarisation droite-gauche, surtout à partir de 1962, date de la première élection du Président au suffrage universel direct.

Macron vient de rompre avec cette bipolarisation. Sa majorité composite comporte des élus de droite et des élus de gauche. Elle  ressemble furieusement à la « troisième force » de la IVe République, coalition gouvernementale regroupant la SFIO, les démocrates-chrétiens et des libéraux modérés. Les anciens partis de gouvernement (PS et LR) se réclamant du clivage droite-gauche sont considérablement affaiblis. Cette évolution est logique dans un contexte où les repères idéologiques se sont estompés. Depuis plusieurs décennies, si les clans politiques opposés se réclamaient de la droite ou de la gauche pour conquérir le pouvoir, l’exercice du pouvoir aboutissait à des politiques assez proches.

 

Le macronisme est un pragmatisme

Le macronisme est donc d’abord un constat politique simple que beaucoup de citoyens ressentaient intuitivement : pourquoi jouer à être adversaires politiques quand il est possible de trouver des compromis sur presque tous les sujets ? L’aspect factice, les outrances théâtrales des campagnes électorales n’amusaient plus grand monde, sauf peut-être leurs acteurs. « Prenons acte de cette réalité » nous a dit Macron, « traitons les problèmes ensemble au lieu de penser exclusivement à gagner la prochaine élection ».

La prise du pouvoir par Emmanuel Macron, qui est un centriste, représente ainsi une victoire du pragmatisme sur les scories idéologiques dont se réclamaient encore le PS et LR pour exister, mais sans plus y croire. Macron prétend représenter « la droite et la gauche » ; cela veut bien dire que l’on prend à chaque camp ce qui correspond à une analyse pertinente de notre époque. En reprenant le vieux clivage pour se faire bien comprendre, on peut considérer que Macron est de gauche culturellement mais de droite économiquement. Mais avec modération dans les deux cas.

 

L’opposition des extrêmes

L’opposition vraiment affichée se réduit pour l’instant au front Mélenchon-Le Pen. Le Front National (FN) et La France Insoumise (LFI) jouent tout simplement la carte 2022. Leurs leaders sont des politiciens ultra-traditionnels qui ne jurent que par l’exacerbation des clivages politiques. Ils vouent un culte au conflit politique et social qui est leur fonds de commerce électoral. Mais on se perd en conjectures sur ce que pensent vraiment Jean-Luc Mélenchon et Marine le Pen car ces deux leaders sont certainement très au-dessus de leur verbiage politicien, ce qui n’est pas vraiment à leur avantage. En effet, la tactique politique prévaut pour eux en toutes circonstances. Résoudre les problèmes du pays par le dialogue entre sensibilités politiques différentes est au-dessous de leur dignité. En paraphrasant Alfred de Vigny, on pourrait admettre que pour ces gens-là seule la politique est grande, tout le reste est faiblesse.

Et pour faire de la petite politique ultra-traditionnelle, il suffit de stigmatiser le pouvoir en place pour l’affaiblir et se positionner pour l’élection suivante. Le cynisme politicien le plus classique anime donc aussi bien Mélenchon que Le Pen. Nous pouvons nous attendre à toutes les surenchères électoralistes de leur part.

Le PS et LR sont en voie de restructuration et il faut attendre pour apercevoir leur avenir. Pour l’instant, rien à remarquer à leur sujet sinon leur sidération face au tsunami qui les a emportés et l’écartèlement du positionnement par rapport à Macron, certaines personnalités le soutenant, d’autres non.

 

Nos problèmes subsistent

Bien entendu, une évolution politique, même historique, ne modifie en rien les problèmes majeurs que nous devons traiter :

accumulation de déficits publics formant une dette considérable, rigidité excessive du droit social, fonctionnarisation à outrance tant au niveau de l’État que des collectivités locales, construction européenne à l’arrêt, agressions idéologico-religieuses violentes de l’Islam radical.

Mais l’accession au pouvoir d’une large coalition de sensibilités politiques diverses regroupées en un seul mouvement permet d’affaiblir l’opposition. Or, cette opposition, qu’elle soit de gauche ou de droite, s’est toujours mal comportée par le passé. Elle pensait principalement à battre l’adversaire au pouvoir en l’affaiblissant et se désintéressait scandaleusement de l’intérêt général. Le PS et LR trouvent donc aujourd’hui ce qu’ils ont longtemps cherché sans en avoir vraiment conscience : le discrédit le plus complet.

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