Macron et les anciens partis. Où en est-on ?

20/11/2017

Patrick AULNAS

Les politiciens sortent déboussolés des évènements des six derniers mois. La logique partisane, dans laquelle ils étaient confortablement installés depuis des décennies, a éclaté. Plus de socialistes, ou presque. Les Républicains se chamaillent. Les Insoumis se ridiculisent. Les communistes perpétuent leur inexistence. Le Front national n’a plus de leader crédible.

L’avènement de Macron remet en cause le caractère bipolaire et manichéen de la vie politique française depuis le début de la Ve République. Petit état des lieux à fin 2017.

 

Macron n’est pas un apparatchik, mais il a eu des prédécesseurs

Macron, bien que technocrate de formation (ENA, inspection des finances), incarne paradoxalement le renouveau. Aux yeux de l’opinion, il semble venu de nulle part. Mais ce nulle part doit s’interpréter simplement. Il n’est pas un apparatchik, un politicien opportuniste utilisant un parti politique comme instrument de son ambition. Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande n’ont jamais fait que cela. Mais d’autres sont arrivés au sommet par leur dimension historique ou leur personnalité : De Gaulle et Giscard d’Estaing. Eux non plus ne disposaient pas d’un parti de masse pour les soutenir. Ils ont cherché à le créer. Macron n’est donc pas le premier à cet égard.

Depuis 1981 et l’élection de Mitterrand, la Présidence de la République avait toujours été conquise par un apparatchik de carrière. Les français ont eu une patience infinie puisqu’il a fallu 36 ans pour qu’ils congédient ces politiciens professionnels subordonnant tout aux manœuvres d’appareil.

 

La droite est contre, mais elle ne sait pas exactement contre quoi

Évidemment, les vieux briscards de la politique n’ont pas disparu comme par enchantement. Ils sont plus de 600 000 : élus locaux, sénateurs, députés, parlementaires européens. La recomposition prendra du temps et les anciens partis sont à la manœuvre pour tenter de survivre.

Les Républicains (LR) ont exclu de leurs rangs les fameux Constructifs (Thierry Solère, etc.) qui soutiennent la politique de Macron. Alain Juppé, leader LR très populaire à droite et au centre, se rapproche de Macron autant que Laurent Wauquiez s’en éloigne. Peu de choses séparent les programmes présidentiels de Juppé et de Macron. Par contre la trajectoire de Laurent Wauquiez est inacceptable pour la sensibilité libérale et centriste de LR. Wauquiez cherche en effet, en utilisant les grosses ficelles politiciennes classiques (discours sécuritaire et nationaliste), à accrocher à son hameçon une partie de l’électorat Front National.

Les dissensions sont telles que personne ne sait plus ce que LR propose. Non contents d’avoir hérité d’une appellation particulièrement ridicule, Les Républicains donc, n’arrivent même plus à avoir les idées claires. Macron faisant la politique dont ils ont toujours rêvé sans avoir le courage de la pratiquer, les arguties éculées qu’ils utilisent pour paraître des opposants ne trompent personne. En vérité, ils ne pensent pas grand-chose mais essaient tout simplement de mettre en place une stratégie politique pour tenter de conserver un poids électoral.

 

Wauquiez, le grand homme des militants, détesté de nombreux électeurs

Deux stratégies apparaissent. Les Constructifs et Juppé s’orientent vers une alliance avec Macron. Wauquiez veut créer un parti d’opposition de droite en affaiblissant le FN. On retrouve ainsi, peu ou prou, l’ancienne division de la droite entre une sensibilité libérale[1] et européenne (UDF) et une sensibilité étatiste et souverainiste (RPR). La cohabitation dans un seul mouvement (UMP créée en 2002, puis LR) semble désormais appartenir au passé. La République en Marche (LREM) a d’ailleurs déjà attiré une partie de l’aile centriste de LR, le Premier ministre en étant l’exemple emblématique.

Les sondages font apparaître une distorsion entre militants LR et sympathisants LR. Les premiers voient en Wauquiez leur nouveau grand homme, un Sarkozy de substitution en quelque sorte. Les seconds se satisfont, pour environ 50% d’entre eux, de la politique de Macron. Mais ce sont les sympathisants qui votent aux élections, les militants n’ayant de poids que pour désigner le leader du parti. Combien d’anciens électeurs LR voteront LREM aux prochaines élections ? Mystère, mais il y en aura beaucoup. Combien d’anciens électeurs LR choisiront le FN si celui-ci parvient à sortir de ses querelles internes et à reconstituer un leadership ? Impossible de répondre aujourd’hui, mais on sait que la stratégie Wauquiez comporte des variables identitaires et même nationalistes (sécurité, immigration, scepticisme européen) visant à conquérir l’électorat FN, comme l’avait fait Sarkozy en 2007. La copie LR sera-t-elle préférée à l’original FN ?

Le risque existe pour LR de se transformer en un petit parti d’appoint coincé entre, d’une part LREM et quelques petites formations alliées, et d’autre part le FN.

 

Qui gagnera la course à la démagogie de gauche ?

La démagogie a toujours été la grande spécialité de la gauche. Elle y excelle en promettant dépenses nouvelles et réglementation abondante. Renvoyée à ses chères études idéologiques, elle continue à s’entraîner assidûment pour conserver son titre de championne dans ce domaine. Mais pour l’instant, c’est le vide idéologique, ce qui est grave pour la gauche dont la vocation consiste à construire sur le papier la société idéale du futur.

Toute la gauche a voté contre la loi d’habilitation de réforme du Code du travail. Pourtant, cette loi ne constitue qu’un petit pas de plus par rapport à la fameuse loi travail votée par cette même gauche sous François Hollande. En réalité, les dirigeants de gauche sont tellement à court d’idées qu’ils se contentent de suivre le peuple de gauche. Celui-ci est hostile à tout assouplissement du droit du travail. Il voit son salut dans la réglementation fine des rapports sociaux, tout en s’imaginant qu’elle n’éteindra pas la petite croissance économique encore perceptible.

Quand l’élite suit la base, il n’y a plus d’élite. Quand les idées manquent à un tel point qu’on s’aligne sur les préjugés populaires, l’avenir est sombre. En dehors de la protestation assez stérile des Insoumis, rien ne peut émerger à gauche parce qu’Emmanuel Macron a phagocyté la social-démocratie pour la fondre dans une vaste sensibilité centriste, humaniste et pragmatique. L’idéologie, les promesses de lendemains qui chantent, apparaissent désormais tellement désuètes que cela ne peut échapper qu’aux plus obtus des leaders de gauche. Et il y en a !

 

Perception et réalité

Si un certain Macron bashing est perceptible dans les médias, en particulier sous l’image « Président des riches », la réalité politique est favorable au Président en exercice. La gauche la plus réaliste s’est mise à son service et la droite la plus sérieuse lui propose une alliance. Une majorité aussi large marginalise les anciens partis, qui ne disposent plus que du levier démagogique : crier très fort pour tenter de se faire entendre. Ce n’est pas gagné.

 

 


[1] Le mot libéral ne renvoie pas ici à un corpus idéologique, qu’il soit économique ou politique, mais plutôt à une praxis de type libéral. Le mot est utilisé dans un sens extensif qui inclut un certain degré de libéralisme économique et un certain degré de libéralisme culturel ou sociétal ainsi qu’une ouverture sur le monde, en particulier en vue de construire une Europe plus intégrée. 

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