La chute de Duflot

21/10/2016

Patrick AULNAS

Vraiment un personnage étonnant, Cécile Duflot ! Dans un monde qui cherche ses valeurs, elle sait exactement ce qu’est le bien et le mal. Face à un avenir jugé plus qu’incertain, elle n’hésite pas à proposer une construction intellectuelle baptisée écologie politique. Aucune ambigüité chez Cécile  Duflot ! Le monde de demain, elle l’a dans la tête. Il sera altruiste, démocratique, écologique, égalitaire. Le tout sous la houlette d’un État surpuissant. Car il ne faudra pas déroger : on ne plaisante pas avec la mise en œuvre du paradis terrestre. Quand on l’atteint, on y reste, de gré ou de force.

Voilà la raison principale de son éviction. Elle voulait proposer aux français l’éden écologiste ici de maintenant. Mais les militants écolos n’y ont pas cru. C’est assez cynique, un militant. Se chamailler sur la dose exacte de proto-trotskysme et de deep ecology dans le programme, d’accord, mais vouloir vraiment gouverner, surtout pas. La primaire écologiste d’octobre 2016 est un scrutin tout à fait confidentiel : un peu plus de 12 000 suffrages exprimés se répartissant entre Yannick Jadot (4395), Michèle Rivasi (3723), Cécile Duflot (3013) et Karima Delli (1212). Il faut donc s’adresser aux militants et leur parler de ce qui les intéresse : les luttes de tendance intra-partisanes. Mais l’ancienne ministre du logement de François Hollande se croyait déjà désignée par son parti : « Je ne veux pas être la candidate d'EELV qui est là pour témoigner [...] je veux passer à l'acte ». Elle n’y passera jamais. Exit les ambitions présidentielles.

Aux yeux du militant écologiste de base, Cécile Duflot est une opportuniste de la pire espèce. Elle cherche à gagner alors qu’il cherche à se battre. Il suffit de se remémorer le parcours de l’égérie de l’écologie politique pour comprendre à quel point elle était devenue incompatible avec les fondamentaux du parti. Elle rejoint Les Verts en 2001 et dès 2008 elle est élue secrétaire nationale. Elle cherche immédiatement des alliés extérieurs à sa formation politique mais appartenant à la mouvance écologiste : associations diverses et personnalités comme José Bové, Daniel Cohn-Bendit, Eva Joly. Le mouvement Europe Écologie est né. L’objectif est d’élargir l’électorat potentiel en vue des élections européennes de 2009. Le pari semble gagné puisque les écologistes recueillent 16,28% des suffrages puis 12,2% aux régionales 2010.

Europe Écologie et Les verts fusionnent alors pour former EELV (Europe Écologie-Les Verts) présidée par Cécile Duflot./Mais en 2012, Cécile Duflot laisse la place à Éva Joly pour l’élection présidentielle. Elle obtient 2,31% des suffrages. La stratégie Duflot apparaît déjà comme un échec, mais l’ambition personnelle de Cécile ne s’arrête pas là. Avec l’appui du Parti socialiste, les écologistes parviennent à faire élire 17 députés en 2012. Du jamais vu ! François Hollande a besoin d’alliés. La récompense sera pour la leader écologiste un poste de Ministre du logement. Elle quitte le gouvernement en 2014 à la suite de la nomination de Manuel Valls au poste de Premier Ministre : désaccord idéologique.

En dix ans, Cécile Duflot passe ainsi de rien du tout à Ministre de la République. Mais avoir été ministre de François Hollande, détesté par les militants écologistes, ne constitue pas un titre de gloire à l’intérieur du parti. Cécile Duflot n’a pas choisi l’opportunisme pur comme Jean-Vincent Placé, Barbara Pompili et Emmanuelle Cosse, toujours au gouvernement mais plus à EELV. Elle est restée à mi-chemin, pensant à tort qu’EELV avait un avenir politique et s’imaginant en être l’incarnation.

Les pendules viennent d’être remises à l’heure. La volonté de Cécile Duflot de construire en France un parti écologiste sur le modèle allemand a échoué. Elle connaissait pourtant bien le profil des militants où se mêlent nostalgiques du marxisme et idéologues de l’écologie. Ces gens-là pourront désormais continuer à débattre entre eux du sexe des anges. La rupture avec les socialistes est consommée. Les socialistes eux-mêmes ne savent plus du tout qui ils sont. Entre opportunisme et sectarisme, l’image des écologistes, qui était très positive dans les années 1990, est désormais désastreuse. Pas fameux le bilan de Cécile.

 

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