2015 : sombre bilan pour la France

27/12/2015

Patrick AULNAS

Le Président Hollande est un optimiste, nous dit-on. Voilà une excellente chose, car il faut beaucoup d’optimisme pour assumer les évolutions récentes observées en France. Tout se dégrade ou stagne. Ce sont les chiffres qui parlent. Il ne s’agit pas de palabres politiciennes. Petit état des lieux.

 

Croissance économique

Les incantations présidentielles, constamment renouvelées, n’auront servi à rien. Il s’agissait bien sûr d’un pur scénario de communication. François Hollande, outre son optimisme, a également une solide formation économique et n’ignore rien des conditions nécessaires pour stimuler le désir de produire sur un marché libre. Mais la gauche du parti socialiste et les écologistes ne l’entendent pas ainsi : le marché doit se plier aux desideratas politiciens. L’État d’abord, le marché ensuite, mais très corseté. Le Président ne songeant qu’à sa réélection en 2017, l’électoralisme détermine largement les décisions économiques. Voici le résultat, selon l’INSEE :

Évolution du PIB en France en valeur (pourcentage par rapport à l’année précédente)

 Années

 2005 

 2006 

 2007 

 2008 

 2009 

 2010 

 2011 

 2012 

 2013 

 2014 

2015

 Evolution en %

3,6

4,6

5,0

2,6

-2,8

3,1

3,0

1,3

1,4

0,8

1,1 (*)

 

(*) Prévision

Jamais la croissance n’aura été durablement aussi faible depuis la seconde guerre mondiale. Jacques Chirac avait évidemment fait beaucoup mieux sur la période 1995-2007. Après la profonde crise financière et économique de 2009, la France de Nicolas Sarkozy avait renoué avec la croissance en 2010. Mais l’arrivée de François Hollande en 2012 et ses menaces de campagne contre « la finance » ne pouvaient avoir qu’un effet désastreux.

 

Chômage

Pas de croissance, pas de créations d’emplois. Les obstacles législatifs et réglementaires à l’activité découragent les initiatives et font croître le nombre de chômeurs. Chacun peut le comprendre sans aucune leçon d’économie. Eh bien ! Nos dirigeants ne l’ont pas vraiment compris puisque leur objectif principal est la lutte contre le chômage et qu’ils font tout pour empêcher les créations d’emplois dans le secteur privé. L’objectif affiché est-il l’objectif réellement poursuivi ? Ou s’agit-il de créer des emplois publics et des contrats aidés par clientélisme politique ? On pourrait en débattre longuement. Mais le résultat est éloquent :

Évolution du taux de chômage en France par rapport à la population active (définition BIT) selon EUROSTAT

Années

 2005 

 2006 

 2007 

 2008 

 2009 

 2010 

 2011 

 2012 

 2013 

 2014 

2015

Evolution en %

8,9

8,8

8,0

7,4

9,1

9,3

9,2

9,8

10,3

10,3

10,6 (*)

 

(*) Au troisième trimestre 2015, au sens du BIT, selon l’INSEE

Il faut remonter aux années 1990 pour trouver des chiffres aussi élevés. Les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne sont quasiment en situation de plein emploi. Il est vrai aussi que le taux de chômage dépasse les 20% en Espagne et en Grèce. Rassurons-nous donc à peu de frais, nous ne sommes pas les plus mauvais élèves de la classe européenne. Mais nous faisons partie du peloton des élèves peu doués et indisciplinés.

 

Pauvreté

Le seuil de pauvreté est en général fixé par les instituts de statistiques à 60% du revenu médian. Le revenu médian répartit la population en deux groupes : la moitié gagne plus, la moitié gagne moins. Par exemple, en 2013, l’INSEE avait fixé à 1 000 € mensuels après impôt le seuil de pauvreté. On appelle taux de pauvreté le pourcentage de personnes situées au-dessous du seuil de pauvreté. La pauvreté avait régressé dans la seconde moitié du 20e siècle mais cette tendance semble stoppée aujourd’hui.

Évolution du taux de pauvreté et du nombre de pauvres en France selon l’INSEE.

Années

 2007 

 2008 

 2009 

 2010 

 2011 

 2012 

 2013 

Taux de pauvreté

13,4

13,0

13,5

14,1

14,4

14,0

13,7

Nombre de pauvres

(milliers)

8 035

7 836

8 173

8 617

8 926

8 637

8 461

 

Environ 8,5 millions de personnes disposaient d’un revenu inférieur à 1 000 € en 2013. Le taux de pauvreté fluctue désormais autour de 13 à 14% de la population sans évolution tendancielle notable. Cruelle réalité pour un gouvernement socialiste dont la vocation sans cesse proclamée est de « lutter contre les inégalités ».

 

Insécurité

La situation n’a jamais été aussi préoccupante depuis la seconde guerre mondiale. Pour trouver un élément de comparaison, il faut remonter au début des années 1960, avec les attentats de l’OAS (Organisation armée secrète) dans le cadre de la décolonisation de l’Algérie. Certains attentats de l’OAS avaient été très meurtriers, comme le déraillement du train Strasbourg-Paris le 18 juin 1961, occasionné par des explosifs placés sur la voie. L’attentat avait fait 28 morts et 170 blessés. Au cours des années 1961 et 1962, plusieurs dizaines d’attentats à l’explosif avaient été dénombrés en France. Mais le nombre de victimes de l’année 2015 dépasse toutes les observations antérieures : environ 140 morts et plus de 400 blessés.

 

Taux d’intérêt négatifs

Pour certains dépôts bancaires, le loyer de l’argent n’existe plus. Le déposant doit payer pour pouvoir déposer. Ce phénomène exceptionnel, appelé dans la presse taux d’intérêt négatif, a été observé en Allemagne, mais aussi en France pour les dépôts à court terme des banques auprès de la banque centrale. Cette situation est grave car elle a une signification économique précise. L’intérêt de l’argent placé signifie en effet que l’on obtiendra davantage dans le futur. Le capital placé rapportera un certain montant alors que le capital thésaurisé ne rapportera rien. L’activité future est donc appréhendée avec optimisme. Le taux d’intérêt négatif représente au contraire une défiance pour l’avenir.

La peur de l’avenir se traduit donc aujourd’hui par un indicateur mathématique totalement objectif. Tant que cette situation de taux d’intérêt réels (après défalcation du taux d’inflation) nuls ou négatifs persistera, la confiance n’aura pas été restaurée. Certes, les emprunts publics destinés à financer tous les déficits publics (budgets de l’État et des collectivités locales, budgets sociaux) ne coûtent pas cher. Mais quand les taux remonteront, le coût de l’endettement public risque de devenir insoutenable. La Réserve fédérale américaine ayant commencé à abandonner sa politique de quantitative easing, le début de la fin est enclenché.

 

Optimisme pour 2016 ?

Ne perdons pas courage ! Les macro-économistes prévoient une croissance plus forte en France en 2016. Le gouvernement table sur 1,5%, l’OCDE et la banque de France sur 1,4%, l’OFCE sur 1,8%. Le chiffre reste donc toujours très modeste et ne permet pas d’envisager une baisse significative du taux de chômage. Mais les économistes se trompent souvent…

Ajouter un commentaire