Rupture avec la classe ouvrière

14/02/2013

Le monde ouvrier ne comprend pas pourquoi les usines dans lesquelles il travaille ferment. Florange (Arcelor-Mittal), Aulnay (Peugeot), Goodyear (Amiens) sont des sites industriels dont la taille suscite l'intérêt des médias. Il existe évidemment beaucoup plus de fermetures de petites et moyennes entreprises dont la presse ne se fait pas l'écho, mais dont l'impact sur le monde ouvrier est plus important numériquement. Ce qui frappe l'observateur est l'incompréhension des ouvriers interrogés par les médias. Il s'agit d'une incompréhension économique face à la mondialisation qui met les ouvriers français ou européens directement en concurrence avec les ouvriers asiatiques, africains, latino-américains payés beaucoup moins cher pour le même travail. Mais à cela s'ajoute une incompréhension juridique concernant les processus de décision : l'Etat est appelé au secours et on ne s'explique pas son impuissance. A cet égard, évidemment, la classe politique, très mal conseillée par des spécialistes en communication, porte une lourde responsabilité. Depuis des lustres, les promesses sans lendemain sont la règle afin de capter un électorat en déshérence. François Hollande n'a pas échappé à la règle et il a fait germer dans les esprits des espoirs qui sont aujourd'hui déçus. Il le payera politiquement.
Un bon exemple de cette rupture entre le monde ouvrier et la modernité vient d'être donné avec l'annonce par de groupe Peugeot d'un déficit très important pour l'année 2012. Ce déficit comporte une dépréciation de certains actifs de 3,9 milliards d'euros et il pourrait au total dépasser les 5 milliards. Le délégué CGT de l'usine d'Aulnay, relayé par la télévision publique, a aussitôt déclaré que cette présentation du bilan comptable du groupe n'était qu'un subterfuge pour parvenir à supprimer des unités de production en France. Evidemment, cela est complètement faux puisque les normes comptables, tant nationales qu'internationales (les groupes cotés devant respecter les normes IASB), imposent une évaluation des actifs à leur valeur actuelle et, par suite, la comptabilisation des dépréciations constatées au passif du bilan. Les évaluations ne sont pas parfaitement rigoureuses puisqu'il s'agit en général de la valeur de marché des actifs, mais elles constituent la meilleure solution pour donner une image objective de la réalité financière d'une entreprise.
La fracture entre le monde ouvrier et la modernité n'est probablement que la pointe de l'iceberg. La complexité technique, économique, juridique, organisationnelle des sociétés développées entraîne un décrochage de tous ceux qui n'ont pas été confrontés professionnellement à cette complexité : petits commerçants et artisans, agriculteurs et probablement de nombreux salariés. Au lieu de relayer les discours fondés sur l'incompréhension, il appartient aux médias de faire un travail d'explication. Mais le syndicaliste ouvrier ayant la gouaille de Gabin ou Depardieu passe mieux à la télé que le financier à lunettes au langage incompréhensible. Ainsi va le monde.

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